Castille vous met une pastille

Il y a quelque chose dans le style de Larry Castillo que j’adore. On ne peux pas sortir indemne en lisant ses BD. Son style évolue et s’adapte aux histoire teintées de violences, de sexe et de folie. On a hâte de lire la page suivante pour voir les surprises qu’il nous réserve. Et en plus de tout ce talent, il est drôle et sympa… Non je ne te drague pas!

C’est avec plaisir que nous avons, avec Cyril, préparer quelques questions et Laurent a eu la gentillesse d’y répondre.

-On se fait la bise ou on se contente d’une poignée de main virile ?

La bise… Outre l’aspect plus convivial, j’ai toujours trouvé que tu avais la peau douce….

-Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Question difficile, mais soit, je relève le gant… Je suis un dessinateur et scénariste belge, ce qui déjà en soi est un cumul des défauts, à défaut de mandats. Je suis né un beau jour d’avril en 1974, sous le signe du bélier (mine de rien, ceci explique beaucoup de chose, entre 1624147_10202840571952603_1688860480_nautre cette étonnante capacité à ne pas comprendre le concept d’une porte fermée) Si je devais résumer, je suis issus d’un milieu petit-bourgeois, avec une maman prof de dessin et un père fonctionnaire, peintre du dimanche. J’ai eu une éducation assez libre-pensante, tout en allant à l’école catholique. Bien que non-croyant, tendance « bouffons du curé en brûlant des églises », je me dois de reconnaître que cette approche du dogmatisme aveugle et stupide m’a forgé. J’ai suivi un cursus assez classique: latin-grec et langue moderne. Ensuite, à l’université, j’ai fait les Arts Graphiques…

Rien à signaler sur cette période où je n’ai rien appris, si ce n’est à combler les vides avec des mots, exception faite, néanmoins, des cours de BD avec Gérard Goffaux (le dessinateur de Max Faccioni), qui m’a réellement appris les bases du métier.

Ensuite, une fois diplômé, j’ai décidé que si je voulais raconter des histoires, sans doute serait-il bon d’en vivre, j’ai donc accumulé deux ou trois conneries, du genre « me marier trop tôt et divorcer encore plus vite », « l’alcool n’est pas ton ami mais il en a la couleur », des trucs du genre qui m’ont amené à vivre un peu une vie de bohème…

Vers mes trente ans, je me suis remis au dessin, et paf, me voilà, à l’aube de mes 40 ans, à répondre à des interviews… Comme quoi, l’alcool a sans doute été un ami, dans le fond… ^^

-Que penses-tu des choux de Bruxelles ?

J’en pense qu’à l’instar de ce qui vient de Bruxelles, ils sont appelés à un jour dominer le monde… Sinon, pour rester sérieux, j’habite la commune de Saint-Gilles, à 1655153_10202840619193784_1481303194_nBruxelles, et qu’en fait, les choux de Bruxelles étaient cultivés à Saint-Gilles… Et que les choux, cuits avec des patates, puis réduit en purée (avec beurre et noix de muscade) ça fait du « Stoemp« , plat traditionnel bruxellois, très bon servi avec une saucisse. Longue vie au choux de Bruxelles, en somme…

-Jean-Claude Van Damme génie ou cervelle cramée par la drogue?

Les deux, mon général! J’aime bien Jean-Claude, meilleur acteur qu’on ne pourrait le croire, et certainement moins con qu’on ne le pense. C’est un type plein d’humour et d’auto-dérision et je n’aimerais pas me prendre un de ses high kick en pleine tronche! Qui plus est, je respecte le bonhomme, parti de rien, avec rien, qui a suivi ses rêves et assumé ses envies. Son chemin a parfois été chaotique, voire poudreux, mais so what? Je me vois mal lui jeter la pierre, ni le cailloux, et surtout, qu’est ce que ça peut faire? Jean-Claude est un choux de Bruxelles qui dominera le monde, alors agenouillez vous devant JC!

-Quel est ton parcours de dessinateur ?

Bref! Héhé Bin… Bonne question, en fait… J’ai commencé à 30 ans, en dilettante et ait fini « Lust for Life », sorte de survival zombie sous acide, mon premier album à 35 ans… De là, j’ai mis presque 4 ans à trouver un éditeur susceptible d’être intéressé. 4 putains de longues années-lumière, sauf qu’il n’y avait pas de lumière… Pour finir, Pascal Pelletier, de Galaxie Comics Studio, a bien voulu tenter le coup et à partir de là, j’ai enchaîné « Welcome in Amnesia » un thriller carcéral virant au fantastique, puis avec Pascal, on a mis en place le « dEADmEATcOMIX: le mag » un trimestriel d’horreur, un peu comme Creepy et Eerie, dans les années 50…

Mes influences vont pour la BD, d’auteurs comme Richard Corben, Katsuhiro Otomo, Jordi Bernet, Sergio Toppi ou encore Liberatore à des trucs plus dingo, du genre « Frank » de Jim Woodring ou « Little Nemo » de Winsor McKay. Mais mon fond de commerce est plus issu du cinéma ou de la littérature (Carpenter, Sergio Leone, Cronenberg, Mad Max, Paul Auster, Bukowski, Pierre Desproges, Stephen King, H.P. Lovecraft, Kinky Friedman, Bill Balinger, Philip K. Dick,etc…)

-Tu a suivi des cours ou tu es autodidacte ?

1654559_10202840585752948_1434853485_nUn peu des deux… J’ai été à l’ERG, une école à la con, mais où j’ai eu un bon prof, Gérad dont j’ai déjà causé, et une bonne formation théorique, les cours pratiques s’approchant plus de la fameuse phrase d’Audiard: « Sur le plan de l’arnaque, les coups les plus tordus ne sont rien, vous entendez, rien à côté de la peinture abstraite. »

-Illustrateur ou artiste ? Aucun des deux tu es le Seigneur des Enfers et je baisse les yeux !

Baisse les yeux, et amène moi des clopes et du café, misérable chiot! Accessoirement, je me fous des cases, je fais mon taf. Parfois un truc doit être dit en illu, parfois en peinture, parfois en BD, parfois en pochoir et puis tagué sur les façades d’une banque, par exemple… Tout dépend, je me plie à la science et à ses lois, telle que « La fonction crée l’organe »… J’en tire les conclusions qui s’imposent et j’adapte mon travail en fonction du message ou de l’ambiance à créer, histoire d’être le plus en phase avec les choses…

C’est aussi une des raisons pour laquelle j’ai mis en place dEADmEATcOMIX, qui est présenté comme un collectif alors qu’il n’en n’est rien. A la base, je suis seul maître à bord. Depuis peu, je collabore avec deux scénaristes, Nathan Skars pour les histoires courtes et Patrick Artus, pour un projet non encore paru. Patrick co-gère la fan-page de dEADmEATcOMIX, assure les traductions en anglais, bref, il assure…

-Comment est-ce que perçoit ta famille ton travail d’auteur ?

Bin… Pour les proches, c’est parfois pas facile de vivre avec un dessinateur…C’est un boulot extrêmement chronophage, prenant et passionnant, mais très mal payé… D’un autre côté, je ne me vois pas faire autre chose… A la limite, je me cache derrière le fait que c’est un sacerdoce: on est choisi par ce métier, et non le contraire. Faut un caractère particulier pour encaisser ce job: faut aimer la solitude, n’en avoir rien à cirer de manger du riz, accepter les critiques, même celles qui sont fondées et qui du coup font bien mal au cul, faut savoir sentir l’air du temps sans que cela ne corrompe ta vision, bref… Faut avoir un caractère propice à ça…

Maintenant, en terme de travail, je pense que les miens sont fiers de ce que je fais, j’essaie quand même de fournir un travail de qualité… Ou tout du moins de faire illusion ^^

-Comment se déroule la création d’une de tes BD ?

1492937_10202840590353063_1322445147_nToujours de la même manière: drogues, putes et armes à feux… En gros, tout part toujours de la même manière: un embryon d’idée sur lesquelles viennent se greffer des marottes stupides…

J’ai fait Lust for Life en réaction avec le film de zombard traditionnel. J’ai eu l’idée en voyant « Austin Power » dont le vrai héro est le Bad Guy: le Docteur Denfer. Donner le « premier rôle » au Bad Guy était vraiment une bonne idée, du coup, j’ai commencé à raconter une histoire d’invasion d’ « infectés », mais vue à travers les yeux des commanditaires de la chose, ce que je trouvais beaucoup plus amusant.

« Welcome in Amnesia » était une histoire courte en 8 pages qui a réussi à se développer en une succession de récits courts formant un tout, un récit carcéral qui vire au fantastique tout en étant saupoudré d’un humour assez noir… Çà part d’un rien, d’une image, d’un concept vague et flou qui prend forme en même temps que je ne le fais, un peu comme si je sculptais de la glaise, si on va par là…

Pour les collaborations avec des scénaristes, c’est un peu le même principe, on discute, on improvise, on tente… J’ai horreur des trucs fourni « clé en main », ça me gonfle. Pour moi, il y a toujours un « dialogue » entre l’histoire et les auteurs, et ce dialogue fait évoluer les deux parties, donc, l’histoire elle aussi évolue, ce qui est logique…

Je suis assez ouvert aux propositions, surtout les malhonnêtes ^^ Là, par exemple, je vais bosser sur un scénario d’une lectrice, July Herrewyn. Elle m’a envoyé une histoire, que j’aime, et que je vais adapter à ma sauce. Je prend ça comme un jeu, faut que tout le monde s’amuse, en gros, le scénariste, le lecteur et moi…

-Tu bosses souvent avec un scénariste ou tu préfère tout faire tout seul ?

Avant, je bossais seul, maintenant je bosse assez souvent en tandem… C’est comme le sexe, en duo ou en solo, le plaisir reste mais diffère ^^ Mine de rien, l’image est assez bonne, c’est juste deux conceptions différentes du métier, et les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients, c’est selon les envies et les besoins du moments…

-Combien de temps, en moyenne, te prends l’illustration d’une page ?

En noir et blanc, une petite dizaine d’heure, en couleur ça monte à 15…

-S’il y a un élément sur toute la page que tu n’aimes pas, tu recommences tout ou tu essaies d’améliorer comme tu peux avec les moyens du bord ?

Je corrige, je ne recommence quasi jamais… Soit parce que je suis fainéant (c’est possible) soit par déni de l’échec (possible aussi) soit parce que je ne fais jamais d’erreur (possible, mais néanmoins peu probable) Sans rire, je fais quand même un découpage de la page avant de la faire au net, je commence à savoir ce que je peux me permettre et ce que je ne peux pas espérer…

-En lisant tes histoires on passe d’histoires teintées de romans noirs à des scènes utra-violentes dans des rings d’ultimate fighting. On a envie de savoir quelles ont été tes influences musicales et cinématographiques.

En musique, c’est vaste: de The Cure à Suicidal Tendencies en passant par la techno industrielle et le KrautRock… Je hais le reggae, par contre… Comme quoi…

Pour le cinéma, c’est encore plus vaste… Cronenberg, Carpenter, les vieux Argento, Romero, les Mad Max, Sergio Leone, Kurosawa, Clint Eastwood jusque dans les années 80, Paul Verhoeven, Re-Animator, Maniac Cop, les Evil Dead, du porno 80’s, mais aussi des feuilletons, du manga, des jeux vidéos… Je suis un pur produit des années 80, génération qui a connu le passage de « Bonne nuit les petits » à  » Cobra le pirate de l’espace », de nounours à nichons… J’ai eu un Amiga 500, ça m’a bien cramé le cerveau aussi, si on va par là ^^

-Pourquoi avoir opté pour dEADmEATcOMIX? Et surtout pourquoi avoir choisi de faire les montagnes russes avec les majuscules et les minuscules?1899043_10202840592913127_930151567_n

En fait « deadmeat », c’est le surnom que m’avais donné une copine, vu que je dessinais des zombies… Donc de fil en aiguille, c’est devenu deadmeatcomix… Et puis, parce que visuellement ça accroche l’oeil, et que quitte à tout faire à contre-sens, j’ai inversé les minuscules et les majuscules pour faire dEADmEATcOMIX

-Quelles est la BD de ton cru que tu préfères ?

Celle sur laquelle je bosse (une fois faite, elles disparaissent de mon cerveau) Je les aime toutes, en fait, chacune ayant son identité propre…

-On a l’habitude de te voir mettre en image des scénarios avec du sexe, de la violence et de la folie loin de la BD mainstream, te verra-t-on un jour illustrer des histoires plus légères ?

Si l’histoire est bonne et que graphiquement, j’ai quelque chose à apporter, oui bien sur. Si c’est juste pour bosser dans le mainstream, je rappelle que je suis le Seigneur des Enfers, alors, somme toute… ^^

Instant pub ! Tu peux te lâcher et parler autant que tu veux de ta prod de ta maison d’Editions ou de ce que tu veux ! Let’s rock !

Pas grand chose à dire, en fait… Je pense que l’édition connait à l’heure actuelle ce que l’industrie du disque ou du cinéma connait: les structures « classiques » sont mortes. D’un côté: les indépendants, qui sont en fait des « non-dominants » et les grosses machines… Entre les deux, le néant… Donc, faute de mieux, faut passer par la case auto-édition… C’est un pis-aller, faut voir les choses en face.

D’un autre côté, les éditeurs veulent essentiellement se faire du pognon, ce que je comprend, mais ne pense plus en terme de « produits culturels » mais juste en terme de « produits », ce qui n’offre rien de vraiment bandant à lire, du moins selon mes goûts…

Donc, j’ai crée ma petite plateforme, on verra ce que ça donne. Enfin soit, si pub il y a faire, j’invite le lecteur de cet article (ou la lectrice, restons optimiste) à aller acheter mes albums (oui oui le pognon, ça fait plaisir)

http://www.galaxiecomics.weonea.com/produit/162751/

http://www.galaxiecomics.weonea.com/produit/175729/

http://www.galaxiecomics.weonea.com/produit/193686/

-De plus en plus d’auteurs passent par le crowdfunding (Ululle, etc) pour s’auto-éditer et les résultats varient entre le génial et le passable (pour rester poli) tu en penses quoi ?

1743318_10202840605233435_874666826_nBof… Aucun intérêt… Je préfère encore l’auto-édition, tant qu’à faire… Si un type n’a ni le pognon, ni l’encadrement pour éditer, ça en dit long sur le concept…

-Est ce que ça ne risque pas d’engorger le marché déjà vachement saturé ?

Bin c’est ça, beaucoup de bruit pour rien… Sans structures, sans diffuseurs, sans campagne pub, si ce n’est celle du net, c’est juste un truc d’amateur… Franchement, je préfère encore me taper tout le boulot tout seul, au moins tu restes libre de tes actes, là, c’est juste du pipeau…

-As-tu déjà contacter des maisons d’éditions comme Glénat, Lombard, les humanos ?

Bien sur… Lettres mortes… Du coup, je leur écris en latin, on ne sait jamais…

-Rêves-tu d’éditeurs comme Vertigo ?

De ça et d’Elodie Chérie, c’est bon pour la libido…

-Arrives-tu à vivre de la BD ou ça ne paie que l’apéro ?

HAHAHAHAHAHAHAHAHAAHAHAHAHAHAAHAHAHAHAAHAHAHAAHAHAHAHAAHAHAHAAHHAAAHAHAAHAHAHAHAHAAHAHAHAHAHAHAHAAHAHAHAHAHAAHAHAHA! (excuse moi) heu… ça paye un petit paquet de chips

-Quelle est ta dernière grosse claque visuelle ?

« Punk Rock Jesus » de Sean Murphy et « WinterWorld » de Charles « Chuck » Dixon et Jorge Zaffino

-Quel est ton dernier Geekasme ?

La mort de J.J. Abrams

-Le ragondin vrai animal ou ersatz de panda?1743428_10202840580992829_1017206492_n

Sous-race créée par les chats dans le cadre de leur complot interstellaire…

-Tu as un château en Espagne ?

C’est moi l’arène de Castille, enfin le roi, rhaaaaaaaa chais plus, mais vu le prix des factures, je dois en avoir au moins quatre ou cinq…

-Tu es plutôt camouflet ou grosse patate ?

Vieille école: coup de boule et vieille dentelle…

-Quels sont tes futurs projets ?

Me faire un café et commencer une histoire courte tout en bossant sur « Jasmine Riviera: Les Passagers », un polar fantastique sur fond de la question de l’immigration en Europe, un truc très noir avec un humour assez froid, en gros

Tu connais peut-être les portraits chinois qu’on peut trouver dans les magazines de tricots, nous on te propose un « portrait geek » avec des questions hautement philosophiques. Libre à toi de développer ou pas.

Qu’est ce que tu serais si tu étais…

Une vieille BD ?

Little Nemo ou The Spirit

Une BD récente ?

L’intégrale de Corben parue chez Delirium

Un vieux film ?

Asphalt Jungle

Un film récent ?

The Escapist de Rupert Wyatt

Ton premier jouet ?

des légos

Ton plus grand souvenir de BD ?

Akira

Ton premier souvenir geek ?

Shadow of the Beast sur Amiga 500

Un pouvoir ?

Devenir vert et balèze… Ou la maîtrise de l’espace-temps

Si tu n’étais pas un pouvoir ?

Un savoir, alors ^^

Un super-héros ?

HULK

Un vilain ?

Darth Vador

Magnéto ou Xavier ?

Magneto

Batman ou Superman ?

Batman

Marvel ou dc ?

Marvel

Un perso de manga ?

Le Colonel dans Akira

Une arme ?

Une hache

Un sextoy ?

Un canard

Un Catcheur ?

CM Punk

Une console ?

Pas besoin de console, je suis pas triste ^^

Un acteur de film d’action ?

Dolph Lundgren

Instant perso ! Tu peux faire un coucou ou une dédicace à qui tu veux ! Youhouhou !

Coucou à mon fils (C’est papa qui raconte rien que des conneries)

Sinon… On boit quoi ?

Vodka!!

Mig

Fan de tout ce qui se rapproche d’une BD, de jeux vidéo, jdr, des jeux de mot à 2 sous. Je vis à Geneva Beach city.

Aime : Écrire, dormir. Les averses d’été. Les siestes qui durent des heures. Mes potes.Avoir raison, même quand j’ai tort.

N’aime pas : Les gens qui se sentent supérieurs. Les choux. Avoir tort.

3 commentaires pour Castille vous met une pastille

  • Carlos Mitchell  dit:

    Si je vous le nommais, vous sauriez tout. Arrivé là, j’entrai dans un cabaret, je me reposai, je me rafraîchis. Le jour commençait à baisser, et je me disposais à regagner le gîte lorsque, de la maison où j’étais, j’entendis une femme qui poussait les cris les plus aigus. Je sortis ; on s’était attroupé autour d’elle. Elle était à terre, elle s’arrachait les cheveux ; elle disait, en montrant les débris d’une grande cruche : « Je suis ruinée, je suis ruinée pour un mois ; pendant ce temps qui est-ce qui nourrira mes pauvres enfants ? Cet intendant, qui a l’âme plus dure qu’une pierre, ne me fera pas grâce d’un sou. Que je suis malheureuse ! Je suis ruinée, je suis ruinée !… » Tout le monde la plaignait ; je n’entendais autour d’elle que : « La pauvre femme ! » mais personne ne mettait la main dans la poche. Je m’approchai brusquement et lui dis : « Ma bonne, qu’est-ce qui vous est arrivé ? — Ce qui m’est arrivé ! est-ce que vous ne le voyez pas ? On m’avait envoyé acheter une cruche d’huile : j’ai fait un faux pas, je suis tombée, ma cruche s’est cassée, et voilà l’huile dont elle était pleine… » Dans ce moment survinrent les petits enfants de cette femme, ils étaient presque nus, et les mauvais vêtements de leur mère montraient toute la misère de la famille ; et la mère et les enfants se mirent à crier. Tel que vous me voyez, il en fallait dix fois moins pour me toucher ; mes entrailles s’émurent de compassion, les larmes me vinrent aux yeux. Je demandai à cette femme, d’une voix entrecoupée, pour combien il y avait d’huile dans sa cruche. « Pour combien ? me répondit-elle en levant les mains en haut. Pour neuf francs, pour plus que je ne saurais gagner en un mois… » À l’instant, déliant ma bourse et lui jetant deux gros écus, « tenez, ma bonne, lui dis-je, en voilà douze… » et, sans attendre ses remerciements, je repris le chemin du village.

Laisser un commentaire